Dziga Vertov
Dziga Vertov, né David Kaufman le 2 janvier 1896 à Bialystok, est le frère aîné de Moïseï et Boris. Très tôt, les trois frères russisent leurs prénoms : David devient Denis, Moïseï devient Mikhaïl. Puis Denis se choisit un pseudonyme : Dziga Vertov. Le nom condense déjà son ambition artistique : « Dziga » signifie « toupie » en ukrainien, et « Vertov » dérive du verbe russe « tourner ». Mikhaïl deviendra son plus proche collaborateur et son opérateur, tandis que Boris partira à l’étranger où il mènera une brillante carrière de chef opérateur, travaillant notamment sur (Zéro de conduite) de Jean Vigo (1933) ou (Sur les quais) (On the Waterfront, 1955) d’Elia Kazan, pour lequel il recevra un Oscar.
Après des études de musique et de droit, Dziga Vertov se tourne vers le cinéma dès 1918. Son premier travail consiste à monter le film (Anniversaire de la Révolution). Il rejoint ensuite une équipe travaillant dans un « agit-train », train parcourant la Russie pour y mener des actions de propagande. Vertov y filme puis projette aux populations locales les journaux cinématographiques Kino-Nedelia (« Ciné-semaine ») et Kino-Pravda (« Ciné-vérité »). C’est à cette période qu’il élabore sa conception de la ciné-chronique, genre intermédiaire entre actualités filmées et ce qui deviendra le cinéma documentaire. Il y défend l’idée de filmer le réel au plus près des événements, d’inventer des points de vue inédits et une manière nouvelle de saisir le monde.
En 1919, il rencontre la monteuse Elizaveta Svilova, qui devient l’une de ses plus proches collaboratrices, puis son épouse en 1923. Avec elle, son frère Mikhaïl et quelques autres, il fonde en 1922 le groupe des « Kinoks », contraction de kino (« cinéma ») et oko (« œil »). Leur manifeste Nous revendique une vision révolutionnaire de la ciné-chronique, hostile à toute dérive fictionnelle de ce jeune art en pleine recherche de définition. Cette position radicale est réaffirmée dans le manifeste Kinoks. Révolution publié en 1923.
En 1924, son film (Ciné-œil, la vie à l’improviste) provoque des réactions contrastées chez les spectateurs et les critiques. En 1929, (L’Homme à la caméra) est taxé de formalisme, accusation lourde à un moment où l’Union soviétique s’apprête à imposer le réalisme socialiste comme norme esthétique. Les films suivants connaissent aussi des parcours chaotiques. (La Symphonie du Donbass) (1931), premier film sonore de Vertov, ouvre une nouvelle étape, mais (Trois chants pour Lénine) (1934), pourtant apprécié du pouvoir, reste peu de temps à l’affiche. Quant à (Berceuse) (1937), film consacré aux femmes, il disparaît des écrans au bout de cinq jours.
Pendant la guerre, Vertov est évacué au Kazakhstan avec l’équipe de Mosfilm, aux côtés de cinéastes comme Eisenstein. L’après-guerre marque l’époque des « peu de films » : la production cinématographique soviétique se réduit fortement sous l’effet d’un contrôle idéologique croissant. Dans ce climat s’ouvre également la « lutte contre le cosmopolitisme », dont Vertov subit les conséquences. Pendant neuf ans, il se retrouve affecté à une ciné-chronique officielle, (Novosti dnia) (« Les Nouvelles du jour »), très éloignée de ses aspirations artistiques.
Dziga Vertov meurt le 12 février 1954.